Connu de tous, imposant sa présence partout, dans nos bois et près de nos habitations, et en tous temps, hiver comme été, le Rougegorge familier (Erithacus rubecula) est devenu l’emblème de la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux dès 1960. Il mérite amplement d’être associé à cette association car sa combativité et sa témérité sont légendaires. Aucun autre oiseau de chez nous n’aurait pu être meilleur symbole de défense des droits de l’avifaune.
Son nom latin vient du grec eruthakos qui signifie rougegorge pour Aristote. Rubecula est un diminutif du latin rubor (= rouge) et rubeo (= être rouge), ce diminutif pouvant indiquer que sa gorge est plutôt orange. Familier souligne son absence de peur à notre proximité, surtout en hiver quand vivent chez nous des individus nordiques, peu habitués à l’être humain. Son nom anglais a d’abord été robin redbreast, puis simplement robin, forme familière de Robert, qui fait penser à Robin Hood (Robin des Bois).
Il y a deux confusions à éviter : en ancien français, robin était le nom familier donné au mouton, et c’est de là que vient le nom de robinet, et, en anglais, robin est aussi le nom du Merle d’Amérique (Turdus migratorus) qui est un oiseau nettement plus gros, avec le ventre rouge, que le rougegorge européen.
Une légende chrétienne rapporte que le rougegorge aurait essayé d’ôter les épines du front du Christ lors de sa passion, les gouttes de sang auraient ainsi coloré sa poitrine.
Il a plutôt fière allure et engendre la sympathie. Son chant éclatant résonne si magistralement encore en
automne quand tous les autres oiseaux se sont tus. La mélancolie de ce chant, la douceur de son regard, son aspect boule frileuse en hiver, sa mendicité espiègle et sa curiosité effrontée ne laissent personne indifférent.
Il est assurément là où le genre humain le respecte. Il suit alors attentivement les travaux du jardinier dans l’attente de la mise à jour de quelque larve ou vermiceau. Il se rapproche des habitations, s’infiltre sous les terrasses couvertes, recherchant sur le paillasson quelques miettes de pain balayées sur le pas de la porte de la cuisine, ou un insecte, voire une araignée qui aurait tenté de trouver un abri hivernal…
Les attitudes du Rougegorge marquent sa parenté étroite avec les autres petits Turdidés, tels les Rougequeues et les Tariers, qui forment depuis peu la famille des Muscicapidés (évolution de la classification) : corps fièrement dressé, mouvement nerveux des ailes et de la queue, courbettes saccadées d’excitation, déplacements par petits bonds et envols en rasemotte sur de courtes distances. En grande partie insectivore, il se nourrit de coléoptères, de chenilles, de forficules (= perce-oreilles), de fourmis et toutes sortes de larves. Mais il complète son menu par diverses baies : mûres, groseilles, framboises, myrtilles, mais aussi des fruits de sureau, de lierre et d’aubépine (cenelle).
En hiver, il fréquente assidûment nos emplacements de nourrissage, visitant les mangeoires-chalets (à
proscrire car elles favorisent les épidémies aviaires) tout en préférant picorer, de-ci de-là, des petites graines concassées, des arachides moulues ou des flocons de gruaux épandus au sol.
C’est un oiseau nicheur semicavernicole qui adopte des nichoirs à balcon. En cas de présence assidue de la Pie dans votre jardin, pour assurer une plus grande sécurité à sa couvée, il est conseillé de mettre à sa disposition un pot en terre cuite avec goulot muni d’un bâton-perchoir. Ainsi, il pourra élever sa petite famille en toute tranquillité. Il s’installe parfois dans les plantes grimpantes et, en pleine nature, il niche près du sol dans les buissons. Il peut produire de une à trois nichées par an.
À la sortie du nid, les jeunes rougegorges n’arborent pas encore de couleur rouge-orange et sont parfois confondus avec des jeunes étourneaux ! Il y a donc un dimorphisme d’âge. Ce n’est que dans les semaines suivantes que le plumage, encore en développement, leur permettra de déployer cette gorge et cette poitrine tant reconnaissables. La longévité maximale connue est de 11 ans mais il vit en moyenne 2 à 3 ans.
Le Rougegorge peuple tout le continent européen. Suivant son origine, il est sédentaire ou erratique ou encore migrateur lorsqu’il s’agit de la sous-espèce nordique. Ce sont les conditions climatiques hivernales et l’enneigement qui déterminent largement les mœurs régionales de l’espèce.
Les effectifs européens sont estimés à quelque 43 millions de couples, dont 200 000 à 300 000 en Belgique, où l’espèce est considérée comme stable, voire en augmentation modérée. Il est présent partout, également dans les centres urbains, et ne fait défaut que dans des habitats totalement dépourvus d’arbres et d’arbustes, comme les grandes plaines agricoles ou les polders près de la Côte.
À Bruxelles, ses effectifs étaient estimés en 2004, lors de l’élaboration de l’atlas des oiseaux nicheurs, entre 1 700 et 3 300 couples.